© Stéphane Modena

Vieille Ville, Vieux Jours

  • Je cherche l’éclat de ta présence à chaque coin de ruelle
    le cristal de ta voix dans les silences rituels
    sur les parvis des mosquées et des vieilles bâtisses blêmes
    Les fontaines muettes ne chantent plus la douceur
    des éternels instants où les vies recommencent
    la mort froide illusion
    quand chaque apparition est une renaissance
    les millénaires vestiges se languissent de ta lumière
    le soleil ne suffit plus aux murs de la casbah
    pourtant si fiers
    je les vois ternes et tristes leur enceinte n’enfante plus
    la chaleur des époques sereines
    n’y feront plus rien les placides femmes en haïk
    qui marchent à pas feutrés comme sur des nuages
    ni la beauté vaporeuse des petites fleurs élégantes
    glorieuses et mortelles Houris
    repoussent les joues boursouflées
    des hommes de mauvaise vie
    Résonne le bruit essoufflé qui sourd des échoppes
    et l’odeur de cuir chargé de labeurs vêpréens
    Je me perds dans le dédale des voies étroites
    entre les grilles vertes où s’éteignent doucement
    les catafalques des saints oubliés
    agonie de l’esprit
    où les anges se décomposent en silence
    derrière les portes hermétiques
    comme les méandres du destin
    je peux sentir leur doux parfum
    putréfié de rose et de musc
    Je peux déceler l’ombre des dithyrambes
    derrière les murs dardés de henné noir
    témoins des transes colorées
    que le génie tourmenté a peint
    je peux entendre l’écho de leurs cris dionysiaques
    et les clameurs sans fin

    © Stéphane Modena
  • En gravissant les marches tortueuses
    vers les faîtes Élyséens
    Jusqu’au tombeau du voyageur téméraire
    vide car explorant des mondes
    mirifiques et lointains
    sur son vaisseau céleste
    comme lui j’irais arpenter toutes les mers
    pour te retrouver
    j’affronterais toutes les hydres
    qui se dressent sur mon chemin
    Voyageur las épuisé par l’Ennui
    je m’assied sur les bords pierreux
    Et contemple les murs teintés de bleu
    parcelles d’arc en ciel comme l’espoir
    éparpillé des saintes retrouvailles
    tant d’amour interdites hantent
    les parterres sans fleurs
    les rires et les larmes viennent s’enterrer
    au pied des sanctuaires abandonnés
    près des pourtours bétonneux
    là où gît la rancoeur et la haine maternelle
    tels les monceaux d’ordures amassés sur les tombes
    Le fiel insoutenable étouffe les parfums des fières idylles

    © Stéphane Modena

    Les mots eux même partagent mon désespoir
    il s’étale filandreux sur les pierres ébréchées
    de la vaste médina
    les mots eux mêmes ne veulent plus
    profaner ta beauté
    lassés par les diatribes éreintante
    et les vaines incantations
    ils m’ont quitté je ne peux plus te décrire
    je ne peux même plus écrire
    et pourtant je me souviens encore
    avoir embrassé le bleu teinté d’aurore
    de ton regard qui se noyait
    dans l’océan aux rêves épars
    mais rien ne s’estompe jamais
    ton sourire est une fenêtre
    où brillent les astres des univers infinis
    Je me souviens de tous les traits
    et de toutes les nuances
    je peux dessiner sans trêve
    en capturant le temps
    la beauté de ton visage
    toujours plus intense
    peut être te rêverais-je
    dans le corps d’une sirène
    face à la mer sur le flanc
    de la vieille ville
    me voici seul à présent
    sous le ciel cendré
    priant le Très Haut
    au pied des dômes abandonnés
    l’esprit s’en est allé
    et je supplie le Ciel de me garder
    mon seul élixir est un ersatz
    d’une lumière écarlate
    reflet de tes lèvres qui se déverse
    dans le calice doré
    serti d’une verte émeraude
    sang du Graal immortel
    donne la Vie à notre Amour
    vierge hyménée
    noble fusion des coeurs
    le soleil au zénith
    éclaire ta belle demeure
    sans trêve vers elle j’accours
    et laisse derrière moi
    la peau de mes vieux jours.