Agora

Depuis la tête d’un continent, un apatride
Murmure un vieux quatrain. Autour, vautour,
Elle le toise, des pieds à la tête, ne rate pas sa toison.
Mauve, la chevelure rappelle le temps des assassins.

 

Elle, nombreuse et multiple, se pressant contre l’Un,
L’individu qu’on désire fondre ici bas
Et jamais dans l’horizon. Affole la résistance
Du solitaire qui nie, dénie sans regrets.
 

Elle le drape de son hideux drapeau. Moulé, il
Menace, dissout la forme nouvelle dans sa témérité.
Infernale la cadence d’une danse à l’unisson,
Elle et ils épient, surveillent. Désirs de punition.
 

Pays résiste au sens, référant à ce qui n’a jamais été,
Nation voulant enfanter, pleure sa stérilité.
Avorton, il s’éjecte seul depuis le néant originel.
Les eaux rouges le portent à bon port. Le fil, coupé.
 

Terre d’aïeuls revenus en représailles, appelés par Elle
Les doctes désuètes siègent pourtant et encore,
Au nom de la barbarie. Invoque-t-on le sang, il
N’en résiste pas moins aux échos d’un temps révolu.
 

Un 14, il l’a retrouvé, l’a épousé, souffert pour Elle.
Un 20, il était né sur Elle. L’enfant, trop bâtard, a-t-on
Estimé. Malgré son augure, Elle ne le conquiert plus,
Il lui échappe. Course poursuite jusqu’au consulat.
 

L’extranéité l’emporte, le  je ne suis pas des vôtres
Agresse les oreilles cloisonnées. Le Je, depuis, trône
Au pied des cendres, parmi les incendiés. Elle
Qui a ignoré le feu, s’embrase. Le Un se multiplie,
L’incendie rejoint le firmament, les apatrides errent
Tandis que peste l’Agora que le brasier étreint.