Chers amis,
Nous voudrions entendre parler de l’arabe du futur. Cela dit nous ne savons, ni s’il restera arabe, ni s’ils seront plusieurs, ou si tu n’en trouveras qu’un seul.
Nous y réfléchissons nous aussi, c’est pour cela que nous te proposons cette phrase à traverser, ces mots pour réfléchir : l’arabe du futur. Nous essayons d’imaginer des histoires autour de lui, tout comme toi qui t’apprête à nous proposer les tiennes. Nous nous arrêtons un peu pour te dire que tes histoires peuvent avoir une durée longue ou courte, être en prose ou versées, être filmées, muettes, photographiées, dessinées, ou être du son sans images, ou être totalement immobiles. Nous avons fait un magazine immatériel, en ligne pour y loger toutes tes formes.
Nous devons te dire que parfois nous butons contre un certain désarroi à cause de l’arabe d’aujourd’hui, qui nous donne des pistes pour espérer et nous les retire tout net, car il a ses guerres, ses puissantes ironies et ses puissantes abdications. Nous sommes aussi un peu dubitatifs quant aux tyrannies de l’espoir. Le futur peut t’être désespéré, à toi qui t’obstine à lui imaginer une forme. Dans la dernière image qui nous en est venue, la langue de l’arabe du futur s’entortillait après son ablation toute fraiche. Il gisait – Futur du nom de cette ville d’où il vient, dans la fraicheur lui aussi, tout comme sa langue coupée, et il en était comme soulagé.
Tu sais, tes propositions, tu peux les imaginer éphémères, tu peux te permettre avec nous de proposer autre chose que des solutions pour l’avenir, que des histoires pour résoudre nos affaires d’aujourd’hui. Tu n’es pas obligé d’imaginer le scénario précis de notre rédemption. Tu peux décider par exemple que cet arabe du futur n’est plus un arabe. Si tu le veux bien nous aimerions que tu nous parles même de son inexistence si c’est ce que tu vois, depuis son début.
Parfois, pour nous il est dans une nuit calamiteuse qui ressemble à du marbre. On glisse contre elle. Est-elle la tombe de l’arabe du futur, cette nuit que nous voyons ?
Il est aussi, d’autres fois, à son extrême, rivé à la vie toute présente, et très heureux.
Il est incorruptible, incorrigible, il a toujours les cheveux noirs ça c’est sûr. Ou non ? L’arabe du futur a-t-il les cheveux oxydés ? Boit-il des ampoules pour régénérer la peau ? A-t-il ses boissons contre la mémoire ?
L’arabe du futur a-t-il tout oublié de nous ? Est-il encore cette politique piégeuse lorsqu’il nomme et lorsqu’il est nommé ?
Ne nous égarons pas. Nous t’écrivons ici en ce qui concerne une affaire pressante, qui conduirait à rassembler tes écrits, tes photographies, tes films courts, tes bandes sonores, et tes dessins.
Cet appel à contributions, nous l’essayons sous cette forme. Nous, quelques arabes d’aujourd’hui te faisons part d’un court condensé de ce que nous avons pu imaginer, à force de nous parler, et à mesure que nous éprouvons nos conditions communes. Comme nous nous mettons souvent en appétit les uns les autres, nous voulions trouver le moyen de t’inviter toi aussi.
Tu sais nous sommes arabes d’aujourd’hui, et nous avons nos petits rythmes. Le matin nous rivons les yeux sur tous les passants, et ils nous le rendent, ces vivants. Le matin nous voyons toutes les sinuosités des fabulations, dans la rue, et nous voyons aussi l’argent qui travaille dedans nous tous et à l’intérieur de beaucoup de grappes d’hommes. Nous voyons aussi l’extrême endurance de la communauté et la grande percée du rire. Ça nous donne envie.
Nous trépignions de t’écrire. Peut-être êtes-vous plusieurs ? Penses avec nous à l’arabe du futur, toi celui d’aujourd’hui. Nous te suggérons qu’arabe est un mot, il en a l’épaisseur. Il admet son contraire, tu peux penser à l’annuler et à le remplacer par un autre, et tu peux le détourner. Nous ne te disons pas arabe pour que tu t’y arrêtes. Traverse ce mot, toutes ses couches. Trouves-y ta trêve, ou tes morsures de colère.
C’est vrai, c’est un concours mais ne t’en formalise pas. C’est un concours où nous sélectionnons une parmi tes propositions, mais nous nous efforcerons de vous répondre à tous, nous invitons en tous cas à une publication sur Asameena, pour le second numéro, où nous travaillons sur le même thème. Nous le choisirons comme les tyrans choisissent. Avec un désir affreux dans sa démesure, d’une traite, méticuleusement et amoureusement. Ou non, nous choisirons calmement, par le consensus. Fais-nous confiance, pour l’instant, si tu le veux bien.
C’est d’ailleurs un concours qui déteste les concours, un concours qui te détrônera peut-être. C’est un concours fait pour nous reconnaître, non pour te consacrer. N’aie nulle crainte, nous n’avons que peu de pitié pour cette ruse que peut-être la compétition parfois. Nous avons choisis provisoirement le concours pour t’encourager à nous raconter tes arabes du futur.