Moi, à ton âge.
Quoi, à mon âge, quoi ?
Toi, à mon âge, tu avais déjà épousé ma mère et enfanté tes échecs : Hajar, Reda
et moi. Toi, à mon âge, tu avais un petit travail dans un petit bureau, le même
qu’aujourd’hui, dans lequel tu t’es tassé jusqu’à l’oubli, dans lequel on t’a emmuré
pour en faire un petit placard confortable, une penderie d’humilité, un chapelet
de mois infinis que tu égrènes, un petit salaire de merde à la fois. Quoi, à mon âge,
quoi ? Tu avais encore tes cheveux et la vocation de faire vivre ta famille dans
la dignité des choses simples : une petite 4L, un petit appartement au cinquième
sans ascenseur, au-dessus du vendeur de poulet et du primeur.