Je cherche l’éclat de ta présence à chaque coin de ruelle
le cristal de ta voix dans les silences rituels
sur les parvis des mosquées et des vieilles bâtisses blêmes
Les fontaines muettes ne chantent plus la douceur
des éternels instants où les vies recommencent
la mort froide illusion
quand chaque apparition est une renaissance
les millénaires vestiges se languissent de ta lumière
le soleil ne suffit plus aux murs de la casbah
pourtant si fiers
je les vois ternes et tristes leur enceinte n’enfante plus
la chaleur des époques sereines
n’y feront plus rien les placides femmes en haïk
qui marchent à pas feutrés comme sur des nuages
ni la beauté vaporeuse des petites fleurs élégantes
glorieuses et mortelles Houris
repoussent les joues boursouflées
des hommes de mauvaise vie
Résonne le bruit essoufflé qui sourd des échoppes
et l’odeur de cuir chargé de labeurs vêpréens
Je me perds dans le dédale des voies étroites
entre les grilles vertes où s’éteignent doucement
les catafalques des saints oubliés
agonie de l’esprit
où les anges se décomposent en silence
derrière les portes hermétiques
comme les méandres du destin
je peux sentir leur doux parfum
putréfié de rose et de musc
Je peux déceler l’ombre des dithyrambes
derrière les murs dardés de henné noir
témoins des transes colorées
que le génie tourmenté a peint
je peux entendre l’écho de leurs cris dionysiaques
et les clameurs sans finEn gravissant les marches tortueuses
vers les faîtes Élyséens
Jusqu’au tombeau du voyageur téméraire
vide car explorant des mondes
mirifiques et lointains
sur son vaisseau céleste
comme lui j’irais arpenter toutes les mers
pour te retrouver
j’affronterais toutes les hydres
qui se dressent sur mon chemin
Voyageur las épuisé par l’Ennui
je m’assied sur les bords pierreux
Et contemple les murs teintés de bleu
parcelles d’arc en ciel comme l’espoir
éparpillé des saintes retrouvailles
tant d’amour interdites hantent
les parterres sans fleurs
les rires et les larmes viennent s’enterrer
au pied des sanctuaires abandonnés
près des pourtours bétonneux
là où gît la rancoeur et la haine maternelle
tels les monceaux d’ordures amassés sur les tombes
Le fiel insoutenable étouffe les parfums des fières idyllesLes mots eux même partagent mon désespoir
il s’étale filandreux sur les pierres ébréchées
de la vaste médina
les mots eux mêmes ne veulent plus
profaner ta beauté
lassés par les diatribes éreintante
et les vaines incantations
ils m’ont quitté je ne peux plus te décrire
je ne peux même plus écrire
et pourtant je me souviens encore
avoir embrassé le bleu teinté d’aurore
de ton regard qui se noyait
dans l’océan aux rêves épars
mais rien ne s’estompe jamais
ton sourire est une fenêtre
où brillent les astres des univers infinis
Je me souviens de tous les traits
et de toutes les nuances
je peux dessiner sans trêve
en capturant le temps
la beauté de ton visage
toujours plus intense
peut être te rêverais-je
dans le corps d’une sirène
face à la mer sur le flanc
de la vieille ville
me voici seul à présent
sous le ciel cendré
priant le Très Haut
au pied des dômes abandonnés
l’esprit s’en est allé
et je supplie le Ciel de me garder
mon seul élixir est un ersatz
d’une lumière écarlate
reflet de tes lèvres qui se déverse
dans le calice doré
serti d’une verte émeraude
sang du Graal immortel
donne la Vie à notre Amour
vierge hyménée
noble fusion des coeurs
le soleil au zénith
éclaire ta belle demeure
sans trêve vers elle j’accours
et laisse derrière moi
la peau de mes vieux jours.
© Stéphane Modena